Au bon plaisir d’Inasmir
Lui qui avait fermé les yeux sur le ciel étoilé de Lanriel, les ré-ouvrait dans la pénombre d'où il ne distinguait que vaguement les contours irréguliers des pierres qui formaient les murs de la cellule. La puanteur, le froid et l'inconfort, il ne les avait donc pas rêvés, tout était réel, bien trop réel, comme ces cauchemars qui vous prennent aux tripes et vous laisse trempé de sueur et le coeur battant au matin, comme les visions fiévreuses des Devins en transe.
Des années d'expérience lui permirent d'ignorer la peur qui tentait de s'insinuer sournoisement dans sa poitrine et de ne se concentrer que sur ses sens exacerbés. Son ouïe l'informa qu'il n'était pas seul dans cette pièce, il percevait les respirations calmes et régulières de plusieurs individus, s'il ne parvenait pas à déterminer leur nombre, il avait désormais la certitude qu'ils étaient endormis comme lui l'était encore quelques seconde auparavant. Ses doigts agrippèrent une poignée de fibres dures qu'il identifia comme de la paille et cette odeur innommable lui évoqua un donjon ou une cellule abandonnée depuis longtemps.
Il se releva vivement, mais là où d'autres auraient eu des gestes lourds et imprécis, il se révéla agile et aussi silencieux qu'on puisse l'être dans pareille situation. De sa main droite, il se saisit de son épée qu'il dégaina lentement en observant les deux autres individus étendu à deux pas de lui. L'un d'eux était un homme d'une trentaine d'années, massif, il portait les cicatrices de la guerre et une épée dont la poignée sortait d'un fourreau accroché à sa ceinture, impossible de la lui soustraire sans le réveiller. L'autre était une femme à la beauté étonnante, elle ne semblait pas armée, mais son corps, allongé sur le flanc pouvait parfaitement cacher une dague acérée, malgré son apparence frêle il ne s'en méfia pas moins que du guerrier, la vie lui avait apprit que derrière la plus fragile des femmes pouvait se cacher un terrible adversaire.
Il détourna son regard de ses compagnons de cellule pour tenter de trouver une sortie du regard. Les murs étaient clos, aucune ouverture, pas la moindre meurtrière fermée de barreaux comme on en voyait souvent dans les prisons, pas la moindre porte, la seule lumière venait d'une torche pendue si haut que même un troll n'aurait pu s'en saisir. Son coeur battait si fort dans sa poitrine qu'il en était douloureux et il dû s'accroupir tant le malaise s'installait en lui, la bile remontait dans le fond de sa gorge et sa tête lui tournait.
Il avait longtemps vécu sur les routes et s'était souvent trouvé en des situations que beaucoup aurait qualifié de désespéré, mais il avait toujours su garder le contrôle, il cherchait le danger, le bravait et s'en sortait toujours dignement, mais ici la situation échappait à toute logique. Comment l'avait-on enlevé ? L'avait-on empoisonné ? Qu'était devenu Elvire ? Et surtout, comment l'avait-on emmené dans une pièce sans issus ?
Il connaissait la réponse, bien entendu. Qui d'autre qu'un sorcier à l'esprit malade aurait été capable d'un tel prodige ? Qui d'autres aurait pu s'en prendre à lui sans jamais qu'il ne s'en rende compte ?
Son regard se reposa sur les deux inconnus endormis. Amis ou ennemis, il n'en avait cure, pour ce qu'Accolon en savait, ils pouvaient très bien être au service du monstre qui l'avait emmuré ici, un piège destiné à s'attirer sa confiance, ou même sa sympathie pour se jouer de lui avant de le tuer.
Il pointa son épée à quelques centimètres de la gorge du guerrier tout en gardant la femme dans son champ de vision. Son corps entier était tendu, près à bondir, son visage fermé. Il hurla d'une voix qu'il voulait ferme et puissante et qui se révéla bien trop aigüe et emprunt d'accents d'hystérie qu'il ne se connaissait pas :
«
Réveillez-vous ! Qui êtes-vous ? Qui m'a amené ici ? »